shikomizue
Le blog irrévérencieux et les propos tranchants d'un Sataniste francophone, membre actif de la Church of Satan.
vendredi 5 décembre 2025
Manifeste
mardi 25 novembre 2025
Victorian Vigilante : la justice en redingote
Il y a un plaisir particulier, presque intime, à reconnaître qu’une œuvre d’art, sans jamais le dire, se cale d’instinct sur ta propre manière de voir le monde. Victorian Vigilante possède exactement cette qualité. Sous les effets de gaz incandescent, les bottes lustrées, la redingote sombre et les poses de Bartitsu, quelque chose de plus terre-à-terre affleure : une philosophie des conséquences qui parlera immédiatement à quiconque aborde la vie avec un regard sataniste.
Tout repose sur un mot, un seul : misdeeds, les méfaits. La clarté que ce mot apporte est stupéfiante. Un « péché », c’est de la théologie pure, c’est le vocabulaire de la soumission, avec son ordre moral universel et son autorité invisible en arrière-plan. Un « méfait.», au contraire, demeure solidement ancré dans le réel. C’est quelque chose qu’un individu a fait : par négligence, par égoïsme, par malveillance, par bêtise. Bref, par humanité. Une fois que l'on se rend compte de cet indice, tout le reste se réorganise. Le Vigilante n’est plus un croisé, ni un exécuteur de justice abstraite. Il ne fait que suivre la trace laissée par quelqu’un persuadé de l’avoir effacée : une empreinte dans la mauvaise flaque, un pan de manteau trempé d’eau noire, une perturbation à peine perceptible dans le rythme nocturne de la ville.
L’éthique satanique a toujours misé sur la responsabilité plutôt que sur la repentance, sur le monde tel qu’il fonctionne réellement plutôt que tel que les gens aimeraient qu’il soit. C’est exactement ce qui anime le Vigilante. Il n’invoque aucun dieu, ne parle jamais d’absolu. Il observe, écoute, déduit ; il suit la logique des actes sans la couvrir de métaphysique. L’univers de la chanson n’a pas besoin de forces surnaturelles : il repose sur la cause, l’effet, et sur un homme qui a décidé d’être le point de rencontre entre les deux. Rien de dévotionnel dans cette posture. C’est simplement quelqu’un qui voit clair, agit avec précision, et n’a aucune intention de s’excuser d’être l’agent des conséquences.
Et l’esthétique vient confirmer cette lecture. Dans la pensée satanique, l’apparence n’est pas une coquetterie : c’est un langage. Une intention affichée. Les bottes impeccables du Vigilante, sa longue redingote, l’économie élégante de ses gestes : rien de décoratif. Tout annonce un tempérament : calme, lucide, inébranlable. Il traverse un monde saturé de mensonges et d’illusions, et il y perce toujours une ligne droite. Il ne joue pas au sauveur ; il ne prétend pas flotter au-dessus de la mêlée. Il marche simplement en sachant exactement où il se tient.
Quand la confrontation arrive, la chanson évite soigneusement la morale religieuse. Le Vigilante ne « condamne » pas au sens pieux du terme. Il ne dramatise pas l’affrontement comme un duel entre Bien et Mal. Le combat ressemble à une formalité, presque une conséquence logique. Le criminel s’agite, s’affole, tente désespérément d’échapper à la suite naturelle de son propre acte. Et la chanson livre alors sa ligne la plus révélatrice : il meurt de son propre mouvement incontrôlé. Le Vigilante ne porte pas le coup fatal. Il ne fait que détourner l’énergie que l’autre a déjà libérée. Ce n’est ni vengeance, ni jugement : c’est le monde qui referme la boucle.
C’est là que la chanson tire sa véritable puissance. Elle décrit un univers où la justice ne tombe pas du ciel : elle émerge tout naturellement du comportement de ceux qui en brisent l’équilibre. Pas besoin de miracles. Un méfait laisse une trace, la trace ramène à son auteur, et le Vigilante se contente de suivre le fil. La redingote et la canne offrent du théâtre, oui, mais le principe sous-jacent est aussi simple qu’un pavé mouillé : les gens répondent de ce qu’ils font, pas de ce qu’ils proclament.
Dans ce sens, Victorian Vigilante ressemble à une petite parabole écrite pour ceux qui ont dépassé les morales infantilisantes. Le Vigilante ne sauve aucune âme. Il restaure un équilibre. Il ne prêche pas. Il conclut. Puis il disparaît dans le brouillard - non comme un prophète de vertu, mais comme le rappel discret et implacable que les actes ont des conséquences, et que ni la panique ni la prière ne peuvent défaire ce qu’on a soi-même mis en mouvement.
Abney Park - Victorian Vigilante
Arashi Wanderer Ryō
dimanche 23 novembre 2025
Ce que la laïcité peut réellement signifier
Ce texte ne traite ni de politique partisane, ni d’idéalisation culturelle.
Il propose simplement une réflexion sur ce que la laïcité peut devenir lorsqu’on la considère comme un cadre civique plutôt qu’un débat religieux.
Les exemples cités ne sont pas des modèles à suivre, mais des illustrations : chaque pays porte son histoire, et celle-ci façonne des formes de vie publique différentes.
L’objectif est de clarifier la notion de laïcité — rien de plus, rien de moins.
Regarder vers le Nord, mais autrement
Quand on évoque les pays scandinaves, on parle volontiers de flexicurité, de protection sociale, d’emploi flexible.
On oublie pourtant l’élément discret qui soutient l’ensemble : une laïcité calme, mûre, intégrée à la culture civique.
Une laïcité qui ne moralise pas.
Qui ne panique pas.
Qui n’a rien à prouver.
Une laïcité où le sujet n’est pas la croyance, mais le citoyen.
Cette attitude s’est construite dans un environnement géopolitique singulier : les pays nordiques ont longtemps vécu entre deux sphères morales et politiques très différentes.
- Au Sud et à l’Ouest : une Europe façonnée par des siècles de conflits religieux.
- À l’Est : la Russie, où l’État et la religion restent étroitement liés.
Entre ces deux pôles, la Scandinavie a suivi son propre chemin — un chemin ancien, souvent méconnu.
Une religion “aplanie” avant l’arrivée de la laïcité
Un point crucial est souvent oublié : la nature particulière des Réformes protestantes nordiques.
Contrairement aux trajectoires allemande ou anglaise, le protestantisme scandinave a évolué vers une forme étonnamment modeste :
- pouvoir clérical limité,
- très peu de rituel ou de mysticisme,
- hiérarchie théologique réduite,
- importance culturelle, mais faible poids politique.
Cette “désacralisation” précoce a facilité la transition vers un cadre civique séculier.
Il n’y a pas eu besoin de croisade antireligieuse ; la sécularisation s’est faite presque naturellement.
Les Églises sont devenues ce qu’elles sont censées être dans un État moderne :
des références culturelles privées, pas des forces politiques.
Mettre le citoyen au centre
La France vit souvent la laïcité comme un principe défensif ou punitif.
Les pays nordiques, eux, ont construit leur vie collective autour d’un principe simple :
le citoyen est un adulte responsable.
Pas un suspect.
Pas un pécheur.
Pas un risque potentiel pour la nation.
Juste un membre de la communauté, protégé et tenu d’agir dans un cadre neutre.
C’est l’une des raisons pour lesquelles les institutions nordiques sont fortes et largement dignes de confiance.
Perdre son emploi au Danemark ou en Suède ne fait pas de vous un fraudeur présumé : le système commence par aider, pas par suspecter.
Là où la France moralise, les Nordiques soutiennent.
Là où la France soupçonne, les Nordiques font confiance jusqu’à preuve du contraire.
Ce n’est pas de la naïveté : c’est un choix culturel délibéré.
Une laïcité sans névrose
Au cœur du modèle nordique se trouve une laïcité qui fonctionne parce qu’elle reste épurée :
- la religion est affaire privée,
- la loi définit l’espace commun,
- la responsabilité prime sur la culpabilité,
- la diversité est normale, pas menaçante.
Elle n’est pas militante.
Elle n’a pas besoin de rappels constants.
Elle est stable parce qu’elle n’est pas défensive.
Bien sûr, les sociétés nordiques ont leurs excès.
Leurs politiques très strictes sur l’alcool et la santé publique le montrent : chaque culture a ses propres angles morts.
Une position stratégique entre deux mondes moraux
La culture politique nordique s’est aussi formée en opposition à son voisin russe, où l’autorité étatique se mêle étroitement à la religion.
La Scandinavie a choisi l’inverse :
- institutions horizontales,
- égalité civique,
- transparence,
- culture politique non adossée au sacré.
À l’autre extrémité, l’Europe occidentale offrait l’exemple d’une histoire longue de conflits moraux et religieux.
Les pays nordiques se sont forgé une sorte d’immunité silencieuse aux excès idéologiques.
Ce que beaucoup oublient lorsqu’ils regardent vers le Nord
Quand d’autres pays admirent la Scandinavie, ils tentent souvent d’importer les mécanismes visibles :
la flexibilité du marché du travail, le soutien social, la confiance institutionnelle.
Mais ils passent à côté du fondement indispensable :
une culture civique qui traite les adultes comme des adultes et ne moralise personne.
L’expérience nordique montre qu’une société peut être éthique sans religion,
stable sans dogme,
unie sans récits de pureté ou de culpabilité.
Elle propose quelque chose de simple, mais puissant :
une laïcité centrée sur des citoyens responsables, agissant dans le cadre de la loi — rien de plus, rien de moins.
mercredi 5 novembre 2025
La dérive laveyenne – lorsque la clarté devient hérésie
mardi 7 octobre 2025
Le prix et la valeur
Il y a dans l’histoire économique une tension fondamentale, presque invisible aujourd’hui tant elle est devenue naturelle : celle qui oppose la valeur au prix.
Nous avons pris l’habitude de confondre les deux, comme si le prix affiché disait tout d’un bien ou d’un service. Pourtant, dès qu’on gratte un peu, on découvre que le prix n’est souvent qu’une convention mouvante, tandis que la valeur relève d’une reconnaissance humaine, d’un équilibre entre les parties, ou d’un ancrage dans le réel.
Cette tension, on la retrouvait déjà dans les livres comptables d’autrefois, dans le troc sophistiqué, dans les échanges directs ; on la retrouve aujourd’hui sous des formes différentes, parfois grotesques, où le marketing fabrique des prix extravagants sans substance. Entre ces deux mondes — l’ancien et le contemporain — s’est glissée une transformation silencieuse : le passage du tangible à l’abstrait, du contrat entre deux volontés à la médiation permanente d’intermédiaires qui « grattent » au passage.
Des échanges concrets et pluriels...
Feuilleter un vieux livre comptable du XVIIIᵉ ou XIXᵉ siècle, c’est plonger dans une autre logique économique.
On y voit défiler des écritures patientes :
« Untel nous doit tant et tant… réglé en partie en liquide, en partie en traite, en partie en pièces d’argent ou d’or… et contrepartie en marchandises ou propriété. »
Ces registres révélaient une économie à plusieurs étages de valeur, où l’argent liquide n’était qu’un outil parmi d’autres. Les dettes pouvaient être réglées en sacs de grain, en biens meubles, en terres, en services, ou en pièces métalliques. Ce n’était pas du troc brut, mais un troc affiné, structuré, négocié. La valeur était discutée, pesée, souvent en silence, parfois longuement. Le moment de l’échange avait une densité presque rituelle.
Même dans des contextes aussi bruts que le poker — une dette équivalente à la valeur d’une voiture entraînait la perte de la voiture — la règle restait claire : valeur convenue, transfert immédiat, brutalité honnête. Personne ne pouvait se cacher derrière un PDF de 30 pages de conditions générales.
Le gagnant prenait, le perdant cédait. C’était simple, lisible, et souvent plus équilibré qu’on ne le croit.
... au glissement vers l'abstraction
À mesure que les économies se sont complexifiées, nous avons peu à peu remplacé cette pluralité d’outils d’échange par une unité abstraite unique : le prix monétaire.
Les négociations se sont standardisées, les transactions se sont dématérialisées, et surtout — des intermédiaires se sont glissés entre les parties : banques, plateformes, assureurs, États, prestataires, chacun prélevant sa part du butin.
Dans ce nouveau monde, celui qui « a la main haute » — par sa position, son pouvoir ou son contrôle de l’information — impose souvent sa propre définition du prix. La réciprocité de valeur disparaît au profit de la domination commerciale. Et comme la plupart des transactions passent désormais par des clics, des applications ou des contrats standardisés, le moment de négociation réel a presque disparu.
Ce n’est plus un échange entre deux consciences, c’est une interaction avec une machine tarifaire.
Pour comprendre cette dissociation entre prix et valeur, rien ne vaut quelques exemples concrets.
i - Pièces d'argent
Les pièces d’une once troy d’argent .999, frappées par des instances autorisées. Environ 40 € de valeur métallique, plus environ une dizaine d'euros de prime pour la fabrication et la distribution.
Le prix est clair, la valeur est tangible. On peut les tenir dans ta main. Elles ont une liquidité réelle, reconnues internationalement. Elles incarnent une forme de valeur « stable », sans intermédiaire permanent.
ii - Katanas personnalisés
Ils ne sont certes pas des nihontō historiques. Leur valeur « de marché » est sans doute bien inférieure à celle d’une pièce authentique, d’autant qu’une gravure laser personnalisée par exemple peut rebuter les collectionneurs.
Mais ils incarnent une valeur personnelle et esthétique, choisie délibérément. Et en cas de vente forcée, il y a une valeur plancher, fixée par le propriétaire, qui peut refuser de « brader son histoire ».
iii - Bugatti Atlantic de Ralph Lauren
Une des voitures les plus mythiques au monde, des années 1930.
Sa valeur actuelle est estimée autour de 40 millions de dollars, avec un potentiel allant jusqu’à 100 millions selon certains experts.
Ici, le prix paraît délirant… mais la valeur est unique : il n’existe que quelques exemplaires, véritables chefs-d’œuvre mécaniques. Le prix, aussi astronomique soit-il, ne traduit qu’imparfaitement une valeur culturelle, historique et matérielle inestimable.
La valeur... subatomique ?!
Un des points qui m’a le plus frappé en observant les pratiques contemporaines, notamment sur les marchés des métaux précieux, c’est cette tendance des vendeurs à ne pas livrer la marchandise.
On achète une pièce d’argent, mais elle reste dans « leurs coffres », moyennant des frais annuels. Tu es propriétaire, mais tu ne la vois jamais. Elle est « chez toi » sur le papier… mais physiquement ailleurs.
C’est une situation presque quantique : ta pièce est à la fois partout et nulle part.
Cette logique transforme l’achat en une forme de délégation involontaire, où la valeur est détenue par un tiers, et où tu dois payer pour y accéder. On est loin de la clarté des échanges anciens où la pièce passait réellement de main en main.
La valeur via la « marketing story »
À l’autre extrémité du spectre, on observe aujourd’hui des prix prohibitifs pour des biens dont la valeur intrinsèque est quasi nulle :
- Sneakers « rares » vendues des milliers d’euros sur la base d’une hype passagère.
- Produits de luxe industriels déguisés en objets d’exception.
- NFT ou objets numériques valant des fortunes un jour, puis plus rien le lendemain.
- Cartes bancaires premium, dont le prestige facturé repose sur du vide.
Dans ces cas, le prix n’est pas une mesure de valeur : c’est un outil de positionnement social ou une fiction marketing habile. Sans le récit, tout s’effondre.
Plaidoyer pour une nouvelle lucidité
Dans le fond, cette distinction entre valeur et prix n’a rien d’anecdotique : elle conditionne notre façon de vivre, d’échanger, d’épargner, d’investir.
Nos ancêtres jonglaient avec plusieurs formes de valeur ; nous avons remis notre discernement à des systèmes standardisés. Le résultat ? Des prix qui s’envolent sans valeur… et des valeurs réelles souvent négligées.
Reprendre conscience de cette différence, c’est reprendre un peu de souveraineté dans nos choix économiques.
C’est refuser que la valeur de nos biens, de notre temps ou de notre patrimoine soit dictée uniquement par des grilles tarifaires et des intermédiaires gourmands.
C’est, peut-être, renouer avec cette honnêteté brutale mais claire des échanges d’autrefois — où la pièce passait de main en main, et où chacun savait exactement ce qu’il donnait et ce qu’il recevait.
La valeur n’est pas toujours là où le prix l’indique.
Et c’est précisément là que se loge notre liberté de jugement.
Arashi Wanderer Ryō
(Hōrō-Sha)
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lundi 6 octobre 2025
Les ressorts du pouvoir et de la compétence
samedi 4 octobre 2025
L'éthique de la lame : pourquoi ?
jeudi 2 octobre 2025
Là où les algorithmes échouent
Je suis membre actif de la Church of Satan. Mes propos n'engagent que moi : je ne parle pas au nom de l'organisation.
Site officiel de la Church of Satan
mardi 9 septembre 2025
The Devil's Architecture
lundi 1 septembre 2025
Satanisme : le miroir et le masque
Derrière le folklore, les cornes et les bougies se cache un noyau philosophique que peu osent affronter.
Le Satanisme n’est pas un théâtre d’ombres pour Halloween, ni une religion d’évasion. C’est une confrontation brutale avec soi-même et avec le monde.
Le mythe fondateur du Satanisme n’est pas celui d’un démon vengeur ou d’un dieu caché. C’est l’histoire de l’individu qui choisit de se tenir seul.
Il se sait mortel, fugitif, et ne compte ni sur le paradis ni sur l’absolution. Il regarde un univers indifférent et dit pourtant : « J’existe. »
Dans ce mythe, Satan n’est pas un sauveur ; il est un miroir et un masque.
Le miroir vous force à affronter votre propre nature — instincts, désirs, forces et faiblesses.
Le masque vous libère, vous permettant d’assumer ces vérités sans demander la permission à la société ni à un dieu invisible.
Le chemin est simple, et il est rude :
- Naissance – vous arrivez dans un monde qui ne vous doit rien.
- Éveil – vous réalisez votre solitude et votre puissance.
- Affirmation – vous choisissez de vivre pour vous-même, sans excuses.
- Confrontation – vous acceptez les conséquences de vos choix et luttez pour votre existence.
- Extinction – vous retournez au néant, ne laissant que la preuve de ce que vous avez osé être.
C’est tout. Pas de ciel, pas de châtiment cosmique. Seulement la vie elle-même, nue et sans ornement, à saisir à pleines mains.
Ce que LaVey a ajouté à ce mythe, c’est une ironie lucide et une esthétique délibérée.
Rituel, théâtre et humour noir ne servent qu’un but : nous rappeler que nous sommes des animaux conscients, capables de créer notre propre sens dans un univers qui n’en offre aucun.
Regarder ce mythe en face, c’est comprendre que le Satanisme n’est ni une rébellion adolescente, ni une foi inversée. C’est un art de vivre — ou plutôt, un art de survivre avec style, sans illusion et sans repentir.
Cette vision est trop claire, trop précieuse, pour être polluée par des bêtises politiques ou religieuses.
C’est pourquoi j’en suis un des gardiens, contre vents et marées.
À mes conditions, en mon propre droit.
Arashi Wanderer Ryō
(Hōrō-Sha)
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Je suis membre actif de la Church of Satan. Mes propos n'engagent que moi : je ne parle pas au nom de l'organisation.
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samedi 30 août 2025
Cadavres du temps jadis
(Autopsie de la pensée archaïque)
On lit souvent la même rengaine : « Des enfants meurent tués par balles dans les écoles, donc dieu n’existe pas. »
C’est l’argument du mal, répété jusqu’à l’usure. Il a son poids, mais il reste superficiel : un argument de circonstance, chargé d’émotion, mais pauvre en profondeur.
Si l’on veut vraiment contester l’idée de dieu – et plus encore celle d’une révélation divine – il faut lever les yeux plus haut. Vers le ciel, vers le monde, vers l’univers.
Le ciel d’hier et d’aujourd’hui
Il y a quatre mille ans, on voyait déjà Orion, la Grande Ourse ou le Scorpion.
Le ciel visible est resté plus ou moins le même : les constellations ont légèrement dérivé, certaines étoiles ont changé de magnitude, mais pour l’essentiel, l’horizon nocturne des Anciens ressemblait au nôtre.
Ce qui a changé, ce n’est pas le ciel, mais son interprétation : on ne parle plus d'une coupole solide percée de lampes, des dieux attachés aux étoiles, un soleil et une lune créés pour l’homme.
Mais c'est bien de cette vision à courte vue qu'est née une théologie cosmique : le ciel comme preuve, le cosmos comme ordre moral.
Le ciel ne se réduit pas à ce qu’on voit
Il ne suffit pas de lever les yeux pour comprendre l’univers. Les Anciens prenaient le visible pour le réel.
Or, le cosmos ne se limite pas à sa façade : Phobos et Deimos, les deux lunes de Mars, existaient déjà à l’époque biblique. Personne ne les connaissait, car il fallut attendre 1877 pour les observer avec les instruments de Hall.
Autrement dit : le ciel « familier » n’était qu’une illusion de surface. Le monde réel était toujours plus vaste, plus complexe, et il échappait complètement aux représentations religieuses.
La bascule mentale
C’est là qu’intervient cette bascule mentale, typique d'une mentalité pré-logique qui rappelle la logique infantile : la synecdoque spontanée, qui transforme une partie en totalité.
(explication complète ICI)
Cette confusion instinctive a nourri des dogmes entiers. Mais elle s’est révélée fausse : ce que l’on voyait n’était pas « le tout », seulement une petite fenêtre sur une réalité plus vaste.
Science contre mythe
Aujourd’hui, nous savons que :
- la vision géocentrique est erronnée ;
- les étoiles sont d’autres soleils, à des distances vertigineuses ;
- l'Homme n’est pas le but du cosmos, mais une coïncidence évolutive.
Le cosmos, dans ses grandes lignes, est resté le même. Ce sont nos lectures qui ont basculé du mythe à la science.
Et c’est là que la critique devient implacable : les textes sacrés décrivent un monde qui n’existe pas, qui n'a jamais existé.
L’excuse de l’époque ?
On objectera que les Anciens n’avaient pas les moyens d’en savoir plus. C’est vrai… et faux.
Vrai, ils n’avaient ni télescopes ni satellites.
Faux, car dès l’Antiquité grecque et à l’époque de l’Islam médiéval, des savants et mathématiciens savaient déjà calculer, observer, pressentir des lois.
Or, si la révélation était d’origine divine, pourquoi ne contient-elle aucune avance, aucune connaissance vérifiable, aucun indice qui puisse encore aujourd’hui être reconnu comme preuve ?
Et surtout : pourquoi accepter encore une vision archaïque, symbolique et poétique, alors que la science décrit l’univers en termes précis — spectres lumineux, constellations mesurées, naines blanches et rouges, amas stellaires surnommés LGM par dérision ?
Le tribunal divin de la météorologie
La même erreur vaut pour la météo. Orages, sécheresses, tremblements de terre : autant de « jugements divins » dans l’imaginaire ancien.
Et l’on en trouve encore la trace : en droit anglo-saxon, les contrats parlent toujours d’« acts of god » pour désigner les catastrophes naturelles.
Archaïsme absolu. Nous savons que la pluie vient de la condensation, que la foudre est un différentiel électrique, que les cyclones naissent des masses d’air et des océans.
Mais le vieux réflexe survit dans le langage – preuve que l’ombre du mythe persiste.
Les prescriptions : pragmatisme devenu dogme
Même les interdits alimentaires et rituels montrent ce mécanisme, par exemple :
- la circoncision : peut-être utile pour réduire certaines infections dans un monde sans antiseptiques ;
- le porc : viande fragile, dangereuse sans conservation ;
- les fruits de mer : hautement périssables, parfois toxiques crus.
Autant d’observations empiriques et sanitaires transformées en prescriptions éternelles. Ce qui relevait du simple bon sens ou de la coutume a été divinisé pour devenir loi sacrée.
Archaïsme contre modernité
Un raisonnement archaïque ne tient que jusqu’à ce qu’un raisonnement plus moderne le remplace.
On ne peut pas conserver une explication symbolique ou poétique du monde — comme le font les religions — et en même temps s’appuyer sur les résultats de la science qui la contredisent.
On ne peut pas dire que le ciel est une coupole percée de lampes, tout en envoyant des sondes vers Jupiter.
On ne peut pas parler d’« actes de dieu » pour les catastrophes naturelles, tout en calculant avec précision la formation d’un cyclone.
Les dogmes se figent là où les sciences progressent. Et c’est cette dissonance qui révèle la vraie fracture : la religion n’a pas suivi la marche des raisonnements, elle est restée collée à l’archaïque.
Le poids des faits
Critiquer la religion par les drames humains, c’est l’attaquer sur son terrain moral, où elle trouvera toujours une parade.
Mais critiquer la religion par le ciel, la météo et les prescriptions, c’est attaquer à la racine.
Le cosmos est resté pour l’essentiel le même.
Les nuages se forment comme hier.
La viande se gâte aussi vite qu’autrefois.
Ce sont les dieux qui ont changé de visage.
Et pour parodier Goya : le sommeil de la raison n’engendre pas seulement des monstres — il engendre également les dieux.
Arashi Wanderer Ryō
(Hōrō-sha)
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jeudi 28 août 2025
La synecdoque spontanée : du local à l'universel
La synecdoque spontanée est un terme barbare, mais il décrit un mécanisme très simple : ce moment où un fait local se gonfle, dans l’esprit humain, d’un sens universel. Une inondation dans une vallée devient le Déluge du monde entier ; la mort d’un homme crucifié devient la mort de la Mort.
Rien n’est encore fixé en dogme, mais déjà le particulier se prétend cosmos.
C’est ce passage immédiat, instinctif, de la partie au tout, qui constitue le pivot entre la recherche de sens et la religion révélée.
L’étymologie nous aide à en saisir la portée. Synecdoque, du grec synekdochḗ, signifie « compréhension conjointe » : une figure où une partie est prise pour le tout. Spontanée vient du latin sponte, « de soi-même » : sans calcul, sans réflexion, par pur réflexe mental. La synecdoque spontanée est donc l’opération par laquelle un événement limité, particulier, surgit comme s’il était universel.
C’est là que naissent les archétypes. Car un archétype n’est pas tombé du ciel : il condense des synecdoques spontanées répétées, amplifiées, déformées.
Le Héros, la Grande Mère, le Sauveur, le Déluge purificateur : toutes ces figures procèdent de la même inflation symbolique où un vécu local s’érige en modèle pour tous. Ce n’est pas un platonisme détaché du réel, c’est une cristallisation des réflexes humains devant l’angoisse du chaos, le besoin de sens et le prestige de l’unique.
Moïse en offre un exemple frappant. À l’origine, c’est un chef qui libère un peuple de l’esclavage égyptien et reçoit une Loi. Mais la synecdoque spontanée agit : l’Exode local devient le paradigme de toute libération. Le récit se répète, s’amplifie, se déforme jusqu’à ce que Moïse en arrive, dans le Deutéronome, à raconter sa propre mort.
À ce stade, nous ne sommes plus dans l’histoire, mais dans le mythe pleinement constitué : le personnage n’est plus un homme, mais une figure.
Jésus suit le même chemin. Exécuté en Judée, il est lu comme le « nouveau Moïse » : non plus libérateur d’un peuple, mais libérateur de l’humanité entière. L’Exode devient spirituel, la vallée de la mort et de la peur est traversée, et une nouvelle Loi est donnée, non plus gravée sur la pierre mais inscrite dans le cœur.
Ici encore, la synecdoque spontanée transforme une mort locale en salut universel, et ce gonflement symbolique s’impose comme fondement de la religion.
C’est pourquoi il est vain de vouloir chercher derrière ces récits une vérité historique brute : Jésus révolutionnaire ou conservateur, sage rural ou charpentier illuminé. De même qu’il est absurde de demander si Moïse a vraiment écrit le récit de son propre décès. Ce qui compte n’est pas l’homme biographique, mais l’opération symbolique qui a transfiguré son histoire.
La synecdoque spontanée est ce qui a donné naissance au mythe, et c’est seulement dans la cohérence interne du mythe que nous pouvons l’interpréter.
La leçon vaut encore aujourd’hui. Car cette logique n’appartient pas seulement à l’Antiquité. Elle est toujours à l’œuvre dans nos sociétés : une rumeur locale devient théorie du complot mondiale ; un fait divers se transforme en légende urbaine ; une anecdote gonfle jusqu’à servir de preuve ou de modèle universel. Le même mécanisme qui a produit le Déluge et la Résurrection fabrique encore, à l’échelle contemporaine, nos mythes quotidiens.
Méfiez-vous donc des mythes locaux, des contes ruraux, des légendes urbaines, et de ces mythes contemporains qui, par synecdoque spontanée, se donnent l’apparence d’universalité. Car derrière le gonflement symbolique, il n’y a parfois qu’un détail, une anecdote, ou un simple bruit de fond.
Arashi Wanderer Ryō
(Hōrō-sha)
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vendredi 22 août 2025
Deus ex Machina ?
Ceux qui ont lu Deus Ex Machina de Pierre Ouellette comprendront mieux que les autres : le fantasme central est celui d’une machine accédant à la conscience. Jusqu’ici, ce scénario appartient entièrement à la fiction. Et pourtant, beaucoup s’y accrochent, comme si l’IA actuelle portait déjà la promesse — ou la menace — d’un tel saut.
Le rêve de la conscience artificielle
Ce qui fascine, ce n’est pas ce que l’IA fait réellement — trier, imiter, recombiner — mais ce que l’on imagine qu’elle pourrait devenir : un esprit indépendant, un alter ego numérique capable de jugement, de désir, d’invention. Pour certains, cette projection est un rêve ; pour d’autres, un cauchemar. Dans les deux cas, ce n’est qu’une illusion.
Une machine sans vie
L’IA ne ressent rien. Elle n’a ni faim, ni peur, ni mémoire vécue. Elle ne connaît ni la douleur, ni la perte, ni la joie. Elle calcule, simule, produit. Ses résultats peuvent impressionner, mais ils ne naissent d’aucune expérience intérieure. Ceux qui croient y voir une conscience sont trompés par l’échelle : ce qu’ils observent n’est qu’une galerie de miroirs statistiques.
L’industrie derrière le « miracle »
Et il ne faut pas oublier la machinerie derrière l’illusion : serveurs engloutissant de l’électricité, mines éventrant des métaux rares, équipes d’ingénieurs, factures d’énergie astronomiques. Rien de divin, rien de spontané : seulement de l’industrie lourde, matérielle et polluante. Parler de « miracle technologique » sans reconnaître cette réalité est une omission bien commode.
Une superstition moderne
La plupart de ceux qui pérorent sur l’IA ne l’ont jamais pratiquée. Ils n’ont pas vu ses erreurs, ses inventions, ses limites. Ils imaginent un oracle, alors qu’en pratique elle exige vérification, correction, cadrage. La foi aveugle en son omniscience n’est rien d’autre qu’une superstition moderne, guère différente des cultes religieux d’autrefois.
Une perspective lucide
La vérité est plus simple : l’IA n’est pas une conscience. Elle ne sauvera pas l’humanité, pas plus qu’elle ne la détruira. C’est un outil — puissant, certes, mais borné, et entièrement dépendant de ceux qui s’en servent. Le danger ne réside pas dans la machine, mais dans la cupidité et la crédulité de ceux qui s’imaginent qu’elle est plus qu’elle n’est.
Et alors ?
Le mythe de la machine consciente est séduisant, mais il reste un mythe. En réalité, l’IA d’aujourd’hui n’est ni un miracle ni une menace surnaturelle. Elle est un miroir : elle reflète nos fantasmes, nos peurs, nos illusions. Tant que nous la traiterons comme une divinité — qu’elle soit bienveillante ou malfaisante — nous resterons prisonniers de nos propres fables.
Alors : rions de l’idole. Voyons les câbles. Dévoilons l’illusion. Utilisons l’outil sans nous agenouiller devant lui. Plus on apprend à déchirer le voile mystique, moins l’IA a de pouvoir sur nous.
Et n’oublions jamais que la main qui tient le couteau est toujours plus dangereuse que le couteau lui-même.
Arashi Wanderer Ryō
(Hōrō-sha)
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Je suis membre actif de la Church of Satan. Mes propos n'engagent que moi : je ne parle pas au nom de l'organisation.