Tout système rencontre son abîme.
Un algorithme est censé dompter le monde. On y verse les données, on tourne la manivelle, et il en ressort de l’ordre, de la prédiction, l’illusion de la maîtrise. Mais tout système a ses limites, ses angles morts, sa falaise où la raison s’effondre dans le vide. Les mathématiciens appellent cela une singularité.
Une singularité, c’est le point où les équations cessent de fonctionner. La division par zéro. L’infini devenu fou. Une discontinuité brutale. En physique, c’est le trou noir : l’horizon où même la lumière meurt. Dans la vie, c’est l’endroit où nos formules de sens cessent de s’appliquer.
Les algorithmes, eux aussi, ont leurs singularités.
Les fausses singularités
Tout effondrement n’est pas un abîme.
Le réseau neuronal qui diverge à cause d’une mauvaise initialisation.
Le marché qui s’écroule parce que les spéculateurs ont bouclé la boucle sur eux-mêmes.
La machine qui recrache du non-sens parce que les données d’entraînement étaient pourries.
Ce ne sont pas des horizons. Ce sont des fautes d’artisanat. Des erreurs de conception que l’on peut corriger avec plus de rigueur, de soin, de maîtrise.
Les fausses singularités effraient les timorés, parce qu’ils confondent l’inconvénient avec le destin.
Les vraies singularités
Une vraie singularité est l’horizon de l’être lui-même.
En mathématiques : Gödel, Turing, ces points où la logique elle-même se vide dans l’indécidable.
En physique : le trou noir, l’indétermination quantique, la mort irréversible.
Dans la vie humaine : la solitude, la liberté, la mortalité, le refus de l’univers de fournir un sens tout fait.
Ici, aucun correctif ne suffira. Ni mise à jour, ni prière, ni dieu ne changeront ce qui est écrit.
Une vraie singularité n’est pas l’endroit où l’algorithme est mal écrit — c’est l’endroit où la réalité elle-même résiste au calcul.
L’affrontement satanique
La religion se repaît des fausses singularités. Chaque panne devient jugement, chaque tempête un châtiment. Et quand elle rencontre les véritables horizons — le silence de l’univers, la certitude de la mort — elle détourne le regard, tissant des contes de paradis et de renaissance.
Le Satanisme ne détourne pas le regard. Il fixe les vraies singularités et les accepte.
La mort n’est pas un bug : c’est une loi.
La liberté n’est pas un don : c’est un fardeau.
Le sens n’est pas livré clé en main : il doit être créé, taillé, forgé.
Les fausses singularités exigent des réparations.
Les vraies singularités exigent du courage.
Et c’est là que tu te trouveras.
Si tu oses.
Arashi Wanderer Ryō
(Hōrō-Sha)
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Je suis membre actif de la Church of Satan. Mes propos n'engagent que moi : je ne parle pas au nom de l'organisation.
Site officiel de la Church of Satan
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