Quand le monde perd le fil, le sage ne cherche pas une corde.
Il aiguise sa lame.
Non pas pour tuer, mais pour voir.
La lame est ce qui sépare le vrai du confus, le geste du discours.
Elle n’a pas de morale, seulement une intention claire : trancher le tissu des illusions.
Et notre époque en tisse beaucoup.
Nous vivons un temps où le « sens collectif » s’est dissous dans le bruit.
Les voix publiques ne chantent plus à l’unisson ; elles crient pour couvrir le silence.
Les grandes causes succèdent aux grandes causes, comme des marées montantes sans océan.
L’individu se noie, la foule flotte.
Mais avant de pleurer ce vide, il faut se demander :
que valait ce sens collectif ?
N’était-il pas déjà un mirage ?
Un contrat moral signé à l’encre de la peur et de la conformité ?
La décomposition du sens collectif
Autrefois, les peuples partageaient des mythes ;
aujourd’hui, ils partagent des mots-clés.
Les dieux sont morts, remplacés par les algorithmes ;
le sacré s’est réfugié dans les slogans.
La politique s’est faite religion de substitution.
Ses prêtres en costume prêchent la santé de l’âme numérique,
blâment les écrans comme on blâmait jadis le Fiable.
Ils parlent d’éducation, de culture, de morale commune —
mais c’est un sermon adressé à des statues.
Leur ton n’est plus celui du chef d’État, mais celui du prédicateur en chaire :
« Regardez le mal, il est en vous ; repentez-vous, revenez à la raison. »
Et le peuple, fatigué, baisse la tête ou ricane.
Car il sait que, derrière la morale, la machine continue de broyer.
Broyer des vies, broyer du temps, broyer du sens.
Ce divorce entre le discours et le réel, c’est la fracture même de notre ère.
Le pouvoir parle de « cohésion »,
mais n’offre que des procédures.
La société parle de « solidarité »,
mais vit dans la compétition intégrale.
Le lien social est devenu un produit à flux tendu.
Le vide : malédiction ou chance ?
À ce stade, la plupart s’effraient.
Ils cherchent un nouveau dogme, un drapeau de rechange.
Ils veulent « reconstruire le collectif ».
Mais le Sataniste, lui, se tait — et regarde le vide comme une aube.
Ce que les autres nomment perte, il appelle délivrance.
Car quand le sens s’effondre,
ceux qui vivaient d’emprunt tombent les premiers.
Le vide est une épreuve : il ne rend libres que ceux qui savent se tenir debout.
Là où les autres voient l’absence de repères, je vois l’absence de chaînes.
Le sataniste ne cherche pas de sauveur collectif.
Il forge son propre code, sa propre éthique, son propre rythme.
Il ne se soumet ni à l’anarchie molle, ni à l’ordre rigide.
Il taille sa voie dans le monde comme on sculpte une pierre noire.
Le Sataniste face au néant
Dans The Satanic Bible, Anton LaVey écrivait que Satan représente la responsabilité envers le responsable.
Pas la fuite dans le mystère, pas la soumission à l’invisible,
mais la pleine conscience de soi comme centre de gravité.
C’est là que réside l’éthique de la lame :
la décision lucide, assumée, sans témoin.
Celui qui manie cette lame intérieure sait qu’elle ne doit pas servir à juger,
mais à clarifier.
Il ne condamne pas la foule ; il constate simplement sa dispersion.
Il ne se croit pas supérieur ; il sait seulement ce qu’il ne veut plus confondre.
Et dans ce refus de la confusion, il trouve sa liberté.
Les Neuf Énoncés de LaVey ne sont pas des dogmes ;
ils sont des miroirs.
Ils rappellent que l’homme, loin d’être un animal déchu,
est un animal lucide, capable de dire :
« Je choisis. »
L’éthique de la lame
Pourquoi une éthique de la lame ?
Parce que dans un monde où tout se dilue, seule la précision sauve.
Parce que la bien-pensance collective est devenue un brouillard tiède.
Parce qu’il faut apprendre à distinguer la compassion de la complaisance,
la lucidité de la peur,
la rigueur du dogme.
L’éthique de la lame n’est pas un appel à la violence.
C’est une discipline du discernement.
C’est la vertu des temps d’effondrement :
ne pas se réfugier dans la nostalgie ni dans le cynisme,
mais tenir la ligne — comme on tient une lame, entre le pouce et l’index, sans trembler.
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Épilogue : le tranchant et le miroit
La société s’effondre ; la lame demeure.
Le vacarme des sermons, des réseaux et des algorithmes finira par se taire.
Mais celui qui aura poli sa conscience comme une lame continuera de refléter la lumière.
Ce que tu tailles dans le monde, c’est toi-même.
Et quand il n’y aura plus de temple,
il te restera la main qui sait encore comment frapper juste.
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