samedi 30 août 2025

Cadavres du temps jadis


(Autopsie de la pensée archaïque)

On lit souvent la même rengaine : « Des enfants meurent tués par balles dans les écoles, donc dieu n’existe pas. »
C’est l’argument du mal, répété jusqu’à l’usure. Il a son poids, mais il reste superficiel : un argument de circonstance, chargé d’émotion, mais pauvre en profondeur.

Si l’on veut vraiment contester l’idée de dieu – et plus encore celle d’une révélation divine – il faut lever les yeux plus haut. Vers le ciel, vers le monde, vers l’univers.


Le ciel d’hier et d’aujourd’hui

Il y a quatre mille ans, on voyait déjà Orion, la Grande Ourse ou le Scorpion.

Le ciel visible est resté plus ou moins le même : les constellations ont légèrement dérivé, certaines étoiles ont changé de magnitude, mais pour l’essentiel, l’horizon nocturne des Anciens ressemblait au nôtre.

Ce qui a changé, ce n’est pas le ciel, mais son interprétation : on ne parle plus d'une coupole solide percée de lampes, des dieux attachés aux étoiles, un soleil et une lune créés pour l’homme.
Mais c'est bien de cette vision à courte vue qu'est née une théologie cosmique : le ciel comme preuve, le cosmos comme ordre moral.


Le ciel ne se réduit pas à ce qu’on voit

Il ne suffit pas de lever les yeux pour comprendre l’univers. Les Anciens prenaient le visible pour le réel.
Or, le cosmos ne se limite pas à sa façade : Phobos et Deimos, les deux lunes de Mars, existaient déjà à l’époque biblique. Personne ne les connaissait, car il fallut attendre 1877 pour les observer avec les instruments de Hall.

Autrement dit : le ciel « familier » n’était qu’une illusion de surface. Le monde réel était toujours plus vaste, plus complexe, et il échappait complètement aux représentations religieuses.


La bascule mentale 

C’est là qu’intervient cette bascule mentale, typique d'une mentalité pré-logique qui rappelle la logique infantile : la synecdoque spontanée, qui transforme une partie en totalité.

(explication complète ICI)


Cette confusion instinctive a nourri des dogmes entiers. Mais elle s’est révélée fausse : ce que l’on voyait n’était pas « le tout », seulement une petite fenêtre sur une réalité plus vaste.


Science contre mythe

Aujourd’hui, nous savons que :

- la vision géocentrique est erronnée ;

- les étoiles sont d’autres soleils, à des distances vertigineuses ;

- l'Homme n’est pas le but du cosmos, mais une coïncidence évolutive.


Le cosmos, dans ses grandes lignes, est resté le même. Ce sont nos lectures qui ont basculé du mythe à la science.
Et c’est là que la critique devient implacable : les textes sacrés décrivent un monde qui n’existe pas, qui n'a jamais existé.


L’excuse de l’époque ?

On objectera que les Anciens n’avaient pas les moyens d’en savoir plus. C’est vrai… et faux.
Vrai, ils n’avaient ni télescopes ni satellites.
Faux, car dès l’Antiquité grecque et à l’époque de l’Islam médiéval, des savants et mathématiciens savaient déjà calculer, observer, pressentir des lois.

Or, si la révélation était d’origine divine, pourquoi ne contient-elle aucune avance, aucune connaissance vérifiable, aucun indice qui puisse encore aujourd’hui être reconnu comme preuve ?

Et surtout : pourquoi accepter encore une vision archaïque, symbolique et poétique, alors que la science décrit l’univers en termes précis — spectres lumineux, constellations mesurées, naines blanches et rouges, amas stellaires surnommés LGM par dérision ?


Le tribunal divin de la météorologie 

La même erreur vaut pour la météo. Orages, sécheresses, tremblements de terre : autant de « jugements divins » dans l’imaginaire ancien.
Et l’on en trouve encore la trace : en droit anglo-saxon, les contrats parlent toujours d’« acts of god » pour désigner les catastrophes naturelles.

Archaïsme absolu. Nous savons que la pluie vient de la condensation, que la foudre est un différentiel électrique, que les cyclones naissent des masses d’air et des océans.
Mais le vieux réflexe survit dans le langage – preuve que l’ombre du mythe persiste.


Les prescriptions : pragmatisme devenu dogme

Même les interdits alimentaires et rituels montrent ce mécanisme, par exemple :

- la circoncision : peut-être utile pour réduire certaines infections dans un monde sans antiseptiques ;

- le porc : viande fragile, dangereuse sans conservation ;

- les fruits de mer : hautement périssables, parfois toxiques crus.

Autant d’observations empiriques et sanitaires transformées en prescriptions éternelles. Ce qui relevait du simple bon sens ou de la coutume a été divinisé pour devenir loi sacrée.


Archaïsme contre modernité 

Un raisonnement archaïque ne tient que jusqu’à ce qu’un raisonnement plus moderne le remplace.
On ne peut pas conserver une explication symbolique ou poétique du monde — comme le font les religions — et en même temps s’appuyer sur les résultats de la science qui la contredisent.
On ne peut pas dire que le ciel est une coupole percée de lampes, tout en envoyant des sondes vers Jupiter.
On ne peut pas parler d’« actes de dieu » pour les catastrophes naturelles, tout en calculant avec précision la formation d’un cyclone.

Les dogmes se figent là où les sciences progressent. Et c’est cette dissonance qui révèle la vraie fracture : la religion n’a pas suivi la marche des raisonnements, elle est restée collée à l’archaïque.


Le poids des faits

Critiquer la religion par les drames humains, c’est l’attaquer sur son terrain moral, où elle trouvera toujours une parade.
Mais critiquer la religion par le ciel, la météo et les prescriptions, c’est attaquer à la racine.

Le cosmos est resté pour l’essentiel le même.
Les nuages se forment comme hier.
La viande se gâte aussi vite qu’autrefois.
Ce sont les dieux qui ont changé de visage.

Et pour parodier Goya : le sommeil de la raison n’engendre pas seulement des monstres — il engendre également les dieux. 

Arashi Wanderer Ryō 
(Hōrō-sha)

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Je suis membre actif de la Church of Satan. Mes propos n'engagent que moi : je ne parle pas au nom de l'organisation.

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jeudi 28 août 2025

La synecdoque spontanée : du local à l'universel

La synecdoque spontanée est un terme barbare, mais il décrit un mécanisme très simple : ce moment où un fait local se gonfle, dans l’esprit humain, d’un sens universel. Une inondation dans une vallée devient le Déluge du monde entier ; la mort d’un homme crucifié devient la mort de la Mort. 


Rien n’est encore fixé en dogme, mais déjà le particulier se prétend cosmos. 


C’est ce passage immédiat, instinctif, de la partie au tout, qui constitue le pivot entre la recherche de sens et la religion révélée.


L’étymologie nous aide à en saisir la portée. Synecdoque, du grec synekdochḗ, signifie « compréhension conjointe » : une figure où une partie est prise pour le tout. Spontanée vient du latin sponte, « de soi-même » : sans calcul, sans réflexion, par pur réflexe mental. La synecdoque spontanée est donc l’opération par laquelle un événement limité, particulier, surgit comme s’il était universel.


C’est là que naissent les archétypes. Car un archétype n’est pas tombé du ciel : il condense des synecdoques spontanées répétées, amplifiées, déformées. 



Le Héros, la Grande Mère, le Sauveur, le Déluge purificateur : toutes ces figures procèdent de la même inflation symbolique où un vécu local s’érige en modèle pour tous. Ce n’est pas un platonisme détaché du réel, c’est une cristallisation des réflexes humains devant l’angoisse du chaos, le besoin de sens et le prestige de l’unique.


Moïse en offre un exemple frappant. À l’origine, c’est un chef qui libère un peuple de l’esclavage égyptien et reçoit une Loi. Mais la synecdoque spontanée agit : l’Exode local devient le paradigme de toute libération. Le récit se répète, s’amplifie, se déforme jusqu’à ce que Moïse en arrive, dans le Deutéronome, à raconter sa propre mort. 


À ce stade, nous ne sommes plus dans l’histoire, mais dans le mythe pleinement constitué : le personnage n’est plus un homme, mais une figure.


Jésus suit le même chemin. Exécuté en Judée, il est lu comme le « nouveau Moïse » : non plus libérateur d’un peuple, mais libérateur de l’humanité entière. L’Exode devient spirituel, la vallée de la mort et de la peur est traversée, et une nouvelle Loi est donnée, non plus gravée sur la pierre mais inscrite dans le cœur. 

Ici encore, la synecdoque spontanée transforme une mort locale en salut universel, et ce gonflement symbolique s’impose comme fondement de la religion.


C’est pourquoi il est vain de vouloir chercher derrière ces récits une vérité historique brute : Jésus révolutionnaire ou conservateur, sage rural ou charpentier illuminé. De même qu’il est absurde de demander si Moïse a vraiment écrit le récit de son propre décès. Ce qui compte n’est pas l’homme biographique, mais l’opération symbolique qui a transfiguré son histoire. 


La synecdoque spontanée est ce qui a donné naissance au mythe, et c’est seulement dans la cohérence interne du mythe que nous pouvons l’interpréter.


La leçon vaut encore aujourd’hui. Car cette logique n’appartient pas seulement à l’Antiquité. Elle est toujours à l’œuvre dans nos sociétés : une rumeur locale devient théorie du complot mondiale ; un fait divers se transforme en légende urbaine ; une anecdote gonfle jusqu’à servir de preuve ou de modèle universel. Le même mécanisme qui a produit le Déluge et la Résurrection fabrique encore, à l’échelle contemporaine, nos mythes quotidiens.


Méfiez-vous donc des mythes locaux, des contes ruraux, des légendes urbaines, et de ces mythes contemporains qui, par synecdoque spontanée, se donnent l’apparence d’universalité. Car derrière le gonflement symbolique, il n’y a parfois qu’un détail, une anecdote, ou un simple bruit de fond.


Arashi Wanderer Ryō 


(Hōrō-sha)


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vendredi 22 août 2025

Deus ex Machina ?

Ceux qui ont lu Deus Ex Machina de Pierre Ouellette comprendront mieux que les autres : le fantasme central est celui d’une machine accédant à la conscience. Jusqu’ici, ce scénario appartient entièrement à la fiction. Et pourtant, beaucoup s’y accrochent, comme si l’IA actuelle portait déjà la promesse — ou la menace — d’un tel saut.


Le rêve de la conscience artificielle

Ce qui fascine, ce n’est pas ce que l’IA fait réellement — trier, imiter, recombiner — mais ce que l’on imagine qu’elle pourrait devenir : un esprit indépendant, un alter ego numérique capable de jugement, de désir, d’invention. Pour certains, cette projection est un rêve ; pour d’autres, un cauchemar. Dans les deux cas, ce n’est qu’une illusion.


Une machine sans vie

L’IA ne ressent rien. Elle n’a ni faim, ni peur, ni mémoire vécue. Elle ne connaît ni la douleur, ni la perte, ni la joie. Elle calcule, simule, produit. Ses résultats peuvent impressionner, mais ils ne naissent d’aucune expérience intérieure. Ceux qui croient y voir une conscience sont trompés par l’échelle : ce qu’ils observent n’est qu’une galerie de miroirs statistiques.


L’industrie derrière le « miracle »

Et il ne faut pas oublier la machinerie derrière l’illusion : serveurs engloutissant de l’électricité, mines éventrant des métaux rares, équipes d’ingénieurs, factures d’énergie astronomiques. Rien de divin, rien de spontané : seulement de l’industrie lourde, matérielle et polluante. Parler de « miracle technologique » sans reconnaître cette réalité est une omission bien commode.


Une superstition moderne

La plupart de ceux qui pérorent sur l’IA ne l’ont jamais pratiquée. Ils n’ont pas vu ses erreurs, ses inventions, ses limites. Ils imaginent un oracle, alors qu’en pratique elle exige vérification, correction, cadrage. La foi aveugle en son omniscience n’est rien d’autre qu’une superstition moderne, guère différente des cultes religieux d’autrefois.


Une perspective lucide

La vérité est plus simple : l’IA n’est pas une conscience. Elle ne sauvera pas l’humanité, pas plus qu’elle ne la détruira. C’est un outil — puissant, certes, mais borné, et entièrement dépendant de ceux qui s’en servent. Le danger ne réside pas dans la machine, mais dans la cupidité et la crédulité de ceux qui s’imaginent qu’elle est plus qu’elle n’est.


Et alors ?

Le mythe de la machine consciente est séduisant, mais il reste un mythe. En réalité, l’IA d’aujourd’hui n’est ni un miracle ni une menace surnaturelle. Elle est un miroir : elle reflète nos fantasmes, nos peurs, nos illusions. Tant que nous la traiterons comme une divinité — qu’elle soit bienveillante ou malfaisante — nous resterons prisonniers de nos propres fables.

Alors : rions de l’idole. Voyons les câbles. Dévoilons l’illusion. Utilisons l’outil sans nous agenouiller devant lui. Plus on apprend à déchirer le voile mystique, moins l’IA a de pouvoir sur nous.

Et n’oublions jamais que la main qui tient le couteau est toujours plus dangereuse que le couteau lui-même.


Arashi Wanderer Ryō 

(Hōrō-sha)

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mercredi 20 août 2025

Le temps, la mémoire et l'instant

(Essai de philosophie satanique)

Time waits for nobody… We’ve got to build this world together / Or we’ll have no more future at all, because time—it waits for nobody.

La tyrannie des horloges

Le temps est une abstraction.

Une invention humaine qui s’est faite démiurge.
De la clepsydre antique aux horloges atomiques de Braunschweig, nous avons cru dompter la durée.
Mais la vérité est brutale : nous ne maîtrisons rien.
Nous savons compter les secondes, mais pas les vivre.
Et dans cet intervalle minuscule qu’est une seconde, la vie et la mort échangent leurs places.


Le cimetière des secondes

Ce que nous appelons mémoire n’est qu’un cimetière de secondes consumées.
Certaines brillent comme des étoiles mortes dont la lumière nous parvient encore.
D’autres sont des ruines, des instants ternes que nous aurions préféré ne jamais vivre.
Mais toutes, sans exception, sont la preuve que nous sommes des incendiaires du temps.
Chaque seconde brûlée laisse une cendre, et cette cendre s’appelle souvenir.
La mémoire est notre archive de flammes, parfois douce, souvent implacable.


La seule éternité réelle

Le seul temps réel est l’instant.
La seconde que je tiens dans ma main, que je peux modeler, consumer, dévorer.
C’est là que se joue le satanisme vécu : la lucidité devant l’instant.
Ne pas attendre demain, ne pas pleurer hier — mais transformer le présent en arme, en offrande, en affirmation.
Une seconde d’attention, et j’évite l’accident.
Une seconde de lucidité, et je saisis l’opportunité.
Une seconde de volonté, et je façonne le monde selon mon désir.


Le pacte du temps

Le Sataniste ne vénère ni le passé ni le futur.
Il s’incline seulement devant l’instant, parce qu’il est le seul temple réel du pouvoir personnel.
Le temps est le grand illusionniste, la mémoire son musée, mais l’instant est le couteau :
tranchant, réel, décisif.

Ever forward !


Arashi Wanderer Ryō 

(Hōrō-sha)

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mercredi 13 août 2025

L'impossible grand écart

(Musée de cire ou théâtre des vertus ?)

Le spectateur moderne croit choisir ce qu’il regarde.
En réalité, il ne fait que consommer ce que le clergé culturel lui a préparé.
Studios, plateformes, festivals : ils décident ce que vous allez voir et surtout comment vous allez le voir.

Leurs deux évangiles sont clairs :
D'un côté, le musée de cire, où l’art se fige en réalisme cadavérique.
De l'autre côté, le théâtre des vertus, où l’histoire se plie aux sermons du jour.

Le musée de cire : l’obsession du vrai mort
Aujourd’hui, un biopic n’est plus un portrait, c’est une reconstitution médico‑légale.

Prenons Stephen Hawking.
Le spectateur croit « vouloir » un film où l'acteur lui ressemble à la cellule près ; où la dégénérescence SLA suit le bon rythme ; et où la chaise roulante est exactement celle de 1979.

En vérité, ce dogme vient d’en haut.
Ricky Gervais l’a résumé :
« Il faudrait prendre un acteur invalide, le rendre valide pour jouer Hawking avant la maladie,
puis le retransformer en invalide pour la suite. »

Voilà l’authenticité selon le clergé culturel : une taxidermie avec le budget d'une usine à séries.

Le théâtre des vertus : l’obsession de la posture
À l’autre extrême, on aime corriger le passé pour lui faire chanter nos valeurs.
Dernière trouvaille : Guenièvre, reine de la Table Ronde,
incarnée par une actrice afro‑britannique dans une série BBC.

Personne n’a jamais exigé ça.
Mais les producteurs, eux, ont décidé que le Moyen Âge devait refléter la diversité du XXIᵉ siècle.

Peu importe l’histoire, l’archéologie, ou même la légende.

Résultat ? Un sermon illustré.
Le passé devient une pub pour fringues tendance avec des épées.
Le spectateur applaudit la posture et se croit libre, alors qu’on vient de lui vendre un prêche.

Deux dogmes, un même résultat
Musée de cire ou théâtre des vertus, le verdict est le même : l’art meurt.

Dans un cas, il s’embaume dans l’exactitude glaciale.

Dans l’autre, il s’évapore dans la morale.


Dans les deux cas, le spectateur regarde ce qu’on a décidé pour lui,
et non ce qui pourrait le troubler, l’élever, ou le réveiller.

La troisième voie : la fidélité poétique
Il existe une autre manière de faire.
Ne pas mentir. Ne pas s’agenouiller.
Être fidèle à l’âme, pas à la photo ni au sermon.

L’art qui brûle les dogmes,
et qui ose dire :  « Je ne te montre pas ce que tu veux voir.
Je te montre ce qui vit encore pour nous, aujourd'hui. »

Conclusion
Le clergé culturel nous tend deux prisons :
le cadavre réaliste et le pantin vertueux.

Moi, je choisis la voie du feu.
Celle qui brûle les illusions et montre l’essentiel.
Car, comme tout bon Sataniste le sait : mieux vaut une vérité vivante qu’un mensonge conforme.

Arashi Wanderer Ryō 
(Hōrō-sha)

PS : libre à vous de vous demander pourquoi Jules Brunet (1838 - 1911) est devenu « Nathan Algren » dans The Last Samurai.

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dimanche 10 août 2025

En territoire ouvert...

« Lorsque tu marches en territoire ouvert, ne dérange personne.
Si quelqu’un te dérange, demande-lui d’arrêter.
S’il ne s’arrête pas, détruis-le. »
— Anton Szandor LaVey
La Bible Satanique

Imaginez la scène.
Vous marchez, tard le soir, dans une rue presque déserte.
Quelqu’un arrive en sens inverse.
Il vous jette un regard indifférent et continue son chemin.
Rien ne se passe.

C’est le contrat social qui fonctionne.
Silencieux, invisible, mais bien réel :
Ne me nuis pas, et je ne te nuirai pas.
La plupart du temps, ça suffit.
Et nous nous croyons protégés parce que, la plupart du temps, ça tient.

Maintenant, la même scène…
L’homme ralentit, vous fixe.
Une insulte marmonnée, une bousculade volontaire.
Le contrat social vacille.
Vous entrez dans la zone grise,
cet espace où le confort de la loi semble soudain très loin.

La loi, censée être notre bouclier, devient alors une ombre floue.
On nous parle de proportionnalité,
comme si la survie se calculait avec des règles mathématiques :
« Vous aviez deux baguettes chinoises.
Il n’en avait qu’une.
Même en vous défendant, c’est vous qui avez tort. »

Pendant que la justice théorise, la vie tranche sans hésiter.

Cette logique ne s’arrête pas aux ruelles sombres.
Pensez aux premiers pilotes de chasse de la Grande Guerre,
s’affrontant dans des biplans fragiles, sans parachutes.

On les appelait les chevaliers du ciel,
on les enveloppait de romantisme et de gloire…

Mais en réalité, c’était de l’animalité pure :
lui ou vous.
Un regard au mauvais endroit, une hésitation d’une seconde,
et l’histoire se terminait en flammes.
Le territoire ouvert existe sur terre comme dans le ciel.

Puis arrive le moment où le contrat se brise entièrement.
Une attaque brutale, un geste irréversible, le point de bascule.

Ici, il n’y a plus ni loi, ni théorie, ni morale.
Seulement l’animal brut en nous.
Pas la haine, pas la cruauté.
Juste cette lucidité nue qui murmure : c’est toi ou moi.

Ces instants nous rappellent que la civilisation
n’est qu’un vernis posé sur des instincts beaucoup plus anciens.

Dans le métro, sur un parking, ou dans un duel aérien au-dessus des tranchées,
tout est territoire ouvert.
Et la bulle fragile dans laquelle nous croyons vivre
peut éclater au moindre geste.

Reconnaître cette réalité n’est pas un appel à la violence.
C’est une manière de marcher dans la vie les yeux grands ouverts,
en comprenant qu’aucune loi, aucune morale, aucune institution
ne remplace la vigilance et la conscience de sa propre force.

Le contrat social rend la vie confortable.
La loi nous berce d’illusions.
Mais la vie, elle, n’obéit qu’à une seule règle :
celui qui perçoit la rupture en premier a une chance de survivre.

Arashi Wanderer Ryō 
(Hōrō-sha)

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mardi 5 août 2025

Miyamoto Musashi : le surhumain pragmatique


Dans l’imaginaire collectif, Miyamoto Musashi (1584‑1645) est le plus grand sabreur de l’histoire du Japon, maître de la stratégie et de l’art du duel. Mais derrière la légende se dessine un homme qui a choisi de vivre selon ses propres règles, en accord total avec sa lucidité et son efficacité.

L’indépendance d’un rōnin
Au début du XVIIᵉ siècle, la société japonaise reposait sur une hiérarchie stricte : les samouraïs servaient leur seigneur selon des traditions exigeantes, même si le Bushidō formalisé n’existait pas encore. La loyauté et le devoir étaient des réalités vécues plus que codifiées.

Musashi, lui, refuse cette voie toute tracée. Il choisit la vie de rōnin, sans maître, sans filet, libre mais précaire. Il préfère affronter le monde avec pour seule armure son art et sa lucidité. Ce choix radical lui permet de suivre son propre chemin, quitte à se tenir en marge.

La force de l’essentiel
Musashi ne fonde pas sa valeur sur des titres ou des apparences, mais sur la compétence pure. Plus de soixante duels attestent de son talent et de sa compréhension des stratégies de combat. Son école, Niten Ichi‑ryū, prône l’efficacité dépouillée de tout geste inutile : pas d’ornement, pas d’esthétique gratuite, seulement ce qui fonctionne.

Cette clarté se retrouve dans sa vie entière. Musashi élimine le superflu, se concentre sur ce qui compte : apprendre, progresser, vaincre. Il voit les hommes et les situations sans fard, sans illusions. Dans Le Livre des Cinq Anneaux, il transmet une vision du monde où la lucidité remplace le rêve, et où seule l’action juste a de la valeur.

Une vie transformée en œuvre
À la fin de sa vie, Musashi se retire pour écrire, sculpter, peindre et méditer. Son existence devient une œuvre unique, où l’art, la pensée et l’action s’entrelacent. Tout ce qu’il a vécu converge en une trajectoire cohérente, à la fois simple et monumentale.
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Par son indépendance, sa lucidité et sa force tournée vers l’essentiel, Musashi incarne parfaitement ce que l’on pourrait appeler aujourd’hui un surhumain pragmatique. Sa vie nous confronte à une vérité brute : la véritable force naît de l’indépendance et de la clarté, et le monde n’attend ni excuses ni illusions.

Contempler Musashi, c’est sentir une fissure s’ouvrir dans nos certitudes. Dans cette fêlure, une lumière passe : celle qui murmure qu’il existe une autre manière de vivre, à notre propre mesure, loin du vacarme des simulacres.

Il n’est donc pas étonnant qu’un tel personnage, historique et légendaire à la fois, semble encore hanter l’imaginaire collectif, comme si son ombre veillait toujours sur ceux qui cherchent leur propre voie.

Arashi Wanderer Ryō 
(Hōrō-sha)

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Estampe ukiyo‑e de Miyamoto Musashi par Utagawa Kuniyoshi (歌川 国芳, 1798–1861)
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lundi 4 août 2025

Cette vérité si difficile à admettre...

Il existe une Histoire que l’humanité traîne depuis toujours.
Elle n’est écrite dans aucun livre sacré, et pourtant tout le monde la connaît.
C’est l’histoire de la naissance, de la chute, et de la renaissance.
Rien de plus, rien de moins.

Un jour, nous arrivons dans ce monde, nus, fragiles et inconscients.
Nous ouvrons les yeux, et sans le savoir, nous entrons dans une aventure qui ne promet rien.
Puis la machine démarre : enfance, découvertes, illusions.
On croit que la vie nous appartient. On croit qu’on peut tout maîtriser.
Mais tôt ou tard, le monde frappe.

Perte, échec, humiliation, maladie, solitude.
yhaacun  reçoit ses coups, parfois un à un, parfois tous en même temps.
On tombe. Et quand on tombe, on tombe seul.
Personne ne peut traverser la nuit à votre place.
C’est le passage obligatoire, la descente que tout humain redoute et refuse.

Alors, beaucoup préfèrent se bercer d’histoires.
Certains prient, d’autres s’inventent des excuses ou des refuges modernes : écrans, slogans, pseudo-philosophies.
Mais le cycle ne ment pas.
Aucun mantra, aucun like, aucune illusion ne vous évitera le moment où il faudra toucher le fond.
Il faut descendre. Il faut accepter de perdre ce qu’on croyait être soi-même.

Et c’est là, dans cette obscurité totale, que la transformation commence.
Pas avant.
Pas quand on joue à faire semblant de tout comprendre.
Mais quand on a cessé de tricher avec soi-même, quand on a vu ses propres décombres sans détourner les yeux.
Alors, quelque chose renaît. Lentement, timidement, mais pour de vrai.

Le cycle de la vie est brutal mais honnête :
naissance – épreuve – chute – renaissance.
C’est la seule histoire que nous vivrons vraiment.
Toutes les autres ne sont que des variations, des tentatives pour ne pas regarder ce cycle en face.

Alors, osez.
Traversez la nuit.
Elle ne vous promet rien, mais au fond, il y a toujours une autre aube.

Arashi Wanderer Ryō 
(Hōrō-sha)

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samedi 2 août 2025

Les boucles qui saignent

Les humains avancent comme des algorithmes vêtus de chair. Dans leurs yeux, je vois défiler des lignes de code invisibles : présupposés, excuses, petites illusions qui décident à leur place :

« Si on me rejette, je fuis. Si on m’applaudit, je répète. Si le monde me blesse, je cherche un responsable. »

Toujours les mêmes boucles, toujours la même danse mécanique. LaVey l’a exposé sans complaisance : les neuf péchés sataniques sont la carte de ce labyrinthe. La stupidité, la vanité improductive, le solipsisme, la conformité moutonnière… chacun de ces vices est une porte d’entrée pour la prévisibilité humaine.

Ils croient que leurs routines les protègent, mais chaque ligne de code est un piège. Le collègue qui se plaint des mêmes injustices depuis dix ans, sans jamais bouger d’un millimètre. L'amie qui choisit encore et encore le même type de relation toxique, persuadée que « cette fois, ce sera différent.». Les algorithmes humains s’exécutent sans imagination, cherchant la validation sociale ou l’illusion de sécurité. 
Et ce faisant, ils trahissent le premier impératif satanique : l’autopréservation. Parce que s’abandonner au confort des routines, c’est déjà commencer à se saboter.

La douleur finit toujours par venir. Une remarque qui perce la carapace. Une trahison qui brûle. Une solitude qui écrase. Comme le disait une certaine psychologue : « On arrête de répéter un schéma quand ça commence à faire vraiment mal. »

Tant que ça ne saigne pas, l’algorithme tourne, aveugle et content de lui. La boucle continue, les mêmes échecs reviennent, les mêmes déceptions s’accumulent.
 Jusqu’au jour où la mécanique s’enraye, où la geôle des habitudes se fissure. Certains en profitent pour se réécrire ; d’autres s’effondrent, incapables de survivre hors de leur programme.

Mais on peut aussi choisir de de se hacker avant l’impact, d'ouvrir ses entrailles comme un écran noir et scruter chaque ligne de code qui pourrait me trahir. Regarde ses démons danser sur ses réflexes, et les renvoyer au néant avant qu’ils ne s’installent. 

Le Sataniste lucide n’attend pas que la douleur dicte sa mise à jour. Il casse ses propres boucles avant qu’elles ne l’étouffent. Il refuse la sécurité morte des routines, cette capitulation silencieuse qui habille la stagnation de fausse paix.

La vraie autopréservation n’est pas de se blottir dans son algorithme. Elle naît dans la fracture volontaire, dans l’élégance brutale de celui qui se réinvente au bord du gouffre, et qui choisit de vivre en code libre plutôt qu’en machine prévisible.

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