Le pouvoir adore se donner des airs solides.
Il parle d’« efficacité », de « mérite », de « responsabilité ». Mais dès qu’on gratte un peu le vernis, on découvre un petit jeu plus primitif : celui du totem d’immunité.
Un objet invisible, sacré, que les hiérarchies s’échangent en silence. Tant que vous tenez le totem, vous êtes intouchable. Vous pouvez tout rater, tout saboter, tout nier : la pierre vous protège.
C’est la religion moderne des institutions : le culte de la protection mutuelle.
On y prie pour sa tranquillité, on s’encense entre initiés, et surtout, on excommunie le blasphémateur — celui qui dit que le roi est nu.
Dans ce temple, la compétence n’est plus un critère, c’est une menace. Le talent fait peur ; la lucidité dérange ; la vérité, elle, brûle les doigts.
Alors s’installe un darwinisme inversé, une sélection des dociles.
Les prudents survivent, les audacieux disparaissent.
On appelle ça « gestion.», mais c’est de la conservation d’espèces en voie d’extinction morale.
Les plus aptes finissent par se taire, ou par partir. Ceux qui restent deviennent gardiens du totem — fiers, protégés, mais vides.
Anton Szandor LaVey aurait souri de tout ça.
Il aurait vu, derrière la façade institutionnelle, une belle mascarade : le pouvoir qui prétend dominer le monde, mais qui n’ose même plus se regarder dans un miroir sans costume.
Il aurait dit : « Les faibles ne sont pas ceux qui échouent, mais ceux qui craignent la vérité. »
Et il aurait ajouté, d’un ton moqueur : « Rien n’est plus diabolique qu’un esprit libre dans une salle pleine de totems. »
Le pouvoir croit se renforcer en s’immunisant.
Mais chaque totem le rend un peu plus aveugle, un peu plus creux, un peu plus mort.
Jusqu’au jour où plus personne ne croit à la magie.
Et ce jour-là, la pierre éclate — non pas sous un coup de marteau, mais sous le rire sec de ceux qu’on n’a pas pu acheter.
Arashi Wanderer Ryō
(Hōrō-Sha)
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